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The Introverted Duckling

Mon expérience avec un test COVID faux-négatif (ou deux), et une société obsédée par la productivité


Il y a cinq ans, je me suis traînée au travail avec un abcès la taille d’une balle de golf sur ma cuisse. Ce bizarre et petit signe de l’univers que je n’allais pas bien me causait tellement de douleur et de la fièvre que les cachets n’avaient aucun effet.


Personne n’aurait pu dire que je n’ai pas essayé de prendre un congé maladie. On m’a répondu “On manque de personnel”. J’avais même demandé deux heures (au maximum!) pour un rendez-vous chez le médecin, mais ma demande fut rejetée. Ce qui n'était pas surprenant. Nos postes de 8 heures devenaient souvent des postes à 10 heures, sans qu’on nous demande notre avis et sans remerciement. Ces “changements” n'apparaissent bien sûr jamais sur nos feuilles de paie.


Je ne sais pas comment mais j’ai réussi à tenir le coup. Je pense que j'étais engourdie par la douleur, et chaque fois que je regardais mon abcès, c’est comme s’il était sur le corps quelqu'un d’autre. Un rouge horrible, tirant sur le noir, entouré d’un carré rouge, vif et chaud au toucher. Je me sentais à plat, épuisée. Tristement, j'étais devenu habitué à l'épuisement. Ca semblait faire partie d’une semaine normale au travail. On se réveillait épuisé, on se couchait épuisé. C'était la norme.


Heureusement, ce soir même je voyageais pour rentrer chez ma mère en Ecosse. J’avais posé une semaine de congé il y a longtemps en négociant avec mes collègues.Ce matin-là, j’avais préparé ma valise et l'avais emmené avec moi au travail. Le dessin fleuri blanc et violet et sa poignée en metal - un morceau de rencofort et d’espoir qui m’attendait dans la salle du personnel - était mon ticket pour la liberté. Je pouvais presque la sentir. Je comptais les heures jusqu'à j'aurais l’occasion de dormir pendant 7 heures; la durée du voyage en train.


Comble du comble (mais pas inattendu) vers la fin de ma journée, on me demande d’aider un collègue à bouger des meubles d’une salle à une autre. Je me souviens que je boitais à cause de la douleur et que je n’avais aucune force. Notre chef lançait des ordres pendant que nous bougions les meubles tant bien que mal. Une fois enfin fini, j'étais libre de partir. Je me suis traînée vers la gare, aussi vite que ma jambe douloureuse me le permettait.


Sept heures plus tard, ma mère, infirmière retraitée, jette un œil à mon abcès et m'emmène tout de suite à l'hôpital. Elle n'avait pas dit grand-chose; elle a simplement mis son manteau, trouvé les clés de la voiture et m’a dit où on allait. Je n'étais pas surprise. Je ne sentais rien. J'avais été engourdi pendant trop longtemps.


Moins de douze heures plus tard, j'étais opérée et mon abcès retiré. Pendant les jours qui ont suivi, j’ai vécu sur un régime d’antibiotiques et d’antidouleurs tellement forts que j’avais la sensation que j'étais partie à la dérive dans un monde parallèle. Les médecins et autres étudiants médicaux se succèdant dans ma chambre pour observer ma blessure. J’ai ensuite passé les quatre mois suivants entre médecins et infirmières.


Ce fut une des expériences les plus traumatisantes de ma vie. Mais ce fut aussi une des leçons les plus importantes de ma vie!


Je fais partie de ceux qui croient que les choses ne se passent pas par hasard. Mon corps a réagi comme il fallait pour m’avertir qu’il y a avait un gros problème. Il y avait trop de stress au travail. Le corps n’est pas fait pour pousser, pousser et fonctionner avec un minimum de repos. Malgré ce que croient souvent les entreprises et les managers, on n’est pas des robots faits pour respecter des quotas, générer du chiffre d’affaires et être un petit rouage de la machine généreusement huilée.


On n’a jamais trouvé la cause de mon abcès. On m’a testé trois fois pour le diabète.Les médecins n'étaient pas sur. Ils ont essayé d’attribuer ma maladie bizarre à mon poids. (Les médecins adorent attribuer toutes les maladies sans cause évidente au poids si on n’est pas taillé comme un mannequin, n’est-ce pas?!) Plus tard, quand j’en ai discuté avec une des infirmières qui s’occupait régulièrement de moi, elle m’a dit horrifiée que bien sûr que je n'étais pas en surpoids; et que le fait de ne pas être parfaitement plate ne pouvait pas causer des maladies bizarres.


Elle était d’accord avec moi sur le fait que mon abcès était clairement lié au stress. Je la voyais plusieurs fois par semaine pendant les mois qui ont suivi, et sa gentillesse m’a vraiment remonté le moral. Elle m’a même encouragé à démissionner de mon job . Il m’a fallu presque risquer ma vie pour me rendre compte que je méritais mieux (apparemment je n'étais pas loin de la septicémie!). Que ce n’était pas nécessaire de toujours repousser mes limites, ou de dire “oui” à tout, ou de faire plaisir à tout le monde aux dépens de ma santé.


Depuis, j’essaie d'intégrer cette leçon dans ma vie, mais je n’y arrive pas toujours. Mon caractère et la façon dont j'ai été enlevée rend cela plus difficile. J’essaie trop souvent de faire plaisir aux autres et pendant longtemps j'ignorais mes propres besoins et désirs. J’ai bien avancé sur ce travail d'amélioration personnelle, mais je me sens toujours coupable quand il faut dire ‘non’, ou quand je passe trop longtemps devant Netflix le samedi, ou quand je refuse une nouvelle classe parce que j’enseigne déjà trop.


Récemment, un nouvel événement m’a de nouveau fait réfléchir sur ce thème. Tout a commencé la semaine dernière. J'étais aller courir lundi et quand j’en suis revenue j’avais des grandes taches rouges sur les cuisses. Ça m'est déjà arrivé, donc je savais comment les soigner. Mais quand même, c'était bizarre. Mardi soir j’enseignais une classe en ligne, pendant laquelle j’ai commencé à me sentir fiévreuse. Le matin suivant, je me suis réveillé avec un peu de fièvre. Ça a tout de suite éveillé mes soupçons. Surtout parce que j'étais à peine revenue au centre d'éducation après des mois en télétravail. L'idée que j’avais pu attraper le virus la-bas n'était pas impossible.


J’ai appelé ma supérieure. Elle me dit que si ce n’est que de la fièvre et rien d’autre, je dois venir au travail. Heureusement, elle décide de faire appel à l'inspectrice de la santé de notre organisation pour vérifier. Elle lui répond qu’il faut que je reste à la maison par sécurité.


Pour être honnête, je ne me sentais pas si mal que ça, mais comme elle me l’avait conseillé, j’ai fait un test COVID plus tard dans la matinée, dans une centre pas loin de chez moi. Pendant tout ce temps, je me sentais tellement coupable. Je ne voulais pas laisser tomber mes élèves et ma supérieure. J’adore mon travail, et j’ai le sentiment que je fais quelque chose de bien en travaillant avec des jeunes demandeurs d’asile.


Le lendemain, je reçois les résultats du test. C'était négatif. J'étais surprise, et en même temps pas vraiment. Depuis ce matin-là, j'avais mal au ventre et les symptômes d’une gastro. J'avais aussi de la fièvre, et j’ai même dormi une bonne partie de l'après-midi tellement je n'étais pas bien.


J’appelle pourtant ma supérieure et je lui dis que je peux revenir au travail le lendemain comme le test était négatif. Même si je n’allais pas bien, je trouverais bien suffisamment d'énergie pour faire ma journée, surtout que c'était vendredi et que je pourrais me reposer pendant le weekend. J’ai donné mon cours en comptant les heures et les minutes jusqu'à pouvoir rentrer me coucher.


J’avais décidé que c'était juste une gastro. Après tout, mon test était négatif, et les tests ne mentent pas. A ce moment-là, Max a commencé à avoir les mêmes symptômes; fatigue, fièvre, maux de ventre, ça semblait le cas le plus probable. Sachant que les gastros ne durent jamais plus de 72 heures, on ira mieux après le weekend.


Je pense que le samedi et le dimanche étaient les pires jours pour moi. Je me sentais affreuse. Bouger, c'était comme si je marchais dans une piscine de goudron. J’avais de la fièvre, mais au moins, je n’avais pas le COVID! J’irais mieux très bientôt.


Lundi est mon seul jour de la semaine sans classe. Je prépare mes leçons, je réponds aux mails, et je fais les tâches administratives. Sauf que lundi dernier, je ne l'ai pas fait. Je me suis reposée, j’ai regardé Netflix, et je me sentais généralement affreuse. Je me disais que j’irais mieux mardi, suffisamment pour retourner au travail… j'espérais!!!!


J'étais toujours très malade le mardi. Je savais que quelque chose n’allait pas. J’ai appelé ma supérieure encore une fois; cette fois-ci elle ne semblait pas très contente. Je lui ai dit qu’il me fallait un deuxième test, et que j’avais toujours de la fièvre. Elle m’a donné son accord à contrecœur pour prendre ma journée. Je lui ai dit que je lui donnerai les résultats du deuxième test.


Quand j’ai reçu le resultat - negatif, encore une fois!, j'étais vraiment confuse. Que diable ai-je si ce n’est pas le COVID? En plus, j’avais commencé à développer un nouvel abcès. Il avait l’air d'être un peu inquiétant, comme celui que j’avais eu il y a cinq ans quand j'avais été opéré. Il était rouge et chaud comme celui d’avant. Je savais que mon corps se battait contre quelque chose… mais quoi? Je me suis demandée si je devenais folle.


Je savais qu’il fallait que je prenne rendez-vous chez le médecin pour mon abcès, mais hélas, le cabinet de mon généraliste était complet pour la journée. On m’a conseillé d’aller directement à l'hôpital quand j’ai expliqué mes symptômes. J’ai même préparé un sac avec un pyjama, au cas où il faudrait que je passe la nuit comme la dernière fois. Mon abcès me paraissait inquiétant.


Le médecin qui m’a vu était une ange à la forme humaine. Je m'inquiétais pour mon diagnostic, mais elle m’a ‘rassurée’ en me disant que c 'était ÉVIDENT que j’avais le COVID. J’en ai même pleuré de soulagement. J’avais passé des jours a me demander si j’etais folle… et a me se sentir malade. Je pense qu’on a l'idée que les tests COVID sont infaillibles, ce qui n’est pas vrai. Le médecin m’a assuré que les tests qu’on fait soi-même ici en Angleterre produisent plus souvent qu’on ne pourrait imaginer des faux négatifs. La totalité de mes symptômes; la tache rouge, les sueurs, la fatigue; apparemment ils sont tous courants parmi les malades du COVID. Surtout dans les cas ‘moins sévères’. On nous répète sans cesse que la toux est le symptôme principal du COVID, ce qui n’est pas forcément vrai. Le COVID peut se manifester dans des façons diverses et bizarres, comme ça été le cas pour moi.


Elle m’a donné un certificat médical et m'a conseillé de me reposer autant que possible. Je m'étais sentie coupable d'être si fatiguée, parce que bien sûr je n’avais pas le COVID, les tests l'avaient prouvé!! Mais en fait mon corps essayait de m’avertir du fait qu’IL FALLAIT me reposer. La tâche et l'abcès? Des signes que je suis vannée. Heureusement il ne me fallait que des antibiotiques pour mon abcès.


Je pousserai même en disant que je pense qu’il y a une épidémie peut-être aussi grave que le COVID, c’est notre obsession de la productivité. On idolâtre presque ceux qui sont des “super-producteurs”. On se sens coupable quand on est ‘trop’ fatigué, ou quand on passe la journée avec un bon livre plutôt que de faire le ménage, quand X, Y, Z a trois enfants, un travail à plein temps, trouve le moyen de faire du sport tous les jours et passe tout son temps libres à écrire un roman.


Dans la société, il y a tellement de pression à être aussi productif que possible. On met la même pression aux autres sans se rendre compte. On n’envoie pas forcément un email désagréable à nos employés, mais peut-être qu’on emploie involontairement (ou non) un ton de voix qui indique, “On sait que tu te fiches de nous, Karen!” C’est même pire avec les maladies mentales. C’est comme si personne n’est permis d’avoir une mauvaise journée. Surtout au Royaume-Uni, où une tasse de thé avec un biscuit est censée de tout guérir.


Dans tous les cas, je ne me sens plus coupable de ne pas aller au travail cette semaine, j’ai un certificat médical. J’aimerais que ce ne soit pas comme ça, qu’il ne faille pas justifier notre besoin de se reposer. Nous sommes souvent notre pire ennemi, ce qui est vraiment dommage. J'espère que je vais mieux apprendre ma leçon cette fois-ci. La santé doit toujours passer avant tout.


Des bisous de la part de moi et du coronavirus.



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